L’affaire n’est pas tombée du ciel. Elle est le fruit de plus de deux ans de procédure menée par trois ONG — Greenpeace France, Les Amis de la Terre et Notre Affaire à Tous — qui ont méthodiquement démonté l’architecture publicitaire du groupe. Au cœur du dossier : des campagnes diffusées depuis 2021, au moment où Total devenait TotalEnergies, promettant la neutralité carbone à l’horizon 2050 et se présentant comme « acteur majeur de la transition énergétique ». Le tribunal a estimé que ce récit lisse entretenait sciemment la confusion, en laissant croire qu’acheter un produit TotalEnergies revenait à soutenir une économie décarbonée.
Ce que la justice a tranché, c’est l’inadéquation criante entre un storytelling vert et un modèle économique resté, lui, très noir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 97 % des revenus du groupe proviennent encore des énergies fossiles, tandis que les investissements dans le solaire et l’éolien — environ 26 GW de capacités —, certes réels, demeurent périphériques par rapport à l’ampleur des projets pétroliers et gaziers. Cette dissonance n’est pas un détail technique ; elle constitue le cœur du greenwashing : revendiquer la transition sans renoncer à l’expansion fossile.
Le jugement ne se contente pas de qualifier ; il contraint. TotalEnergies devra retirer les mentions trompeuses de son site internet sous peine d’une astreinte journalière pouvant atteindre 10 000 euros. Le groupe est également sommé de publier la décision sur sa page d’accueil pendant six mois et de verser des indemnités — de l’ordre de plusieurs milliers d’euros chacune — aux associations plaignantes. Ce sont des mesures concrètes, publiques, qui ôtent au débat son abstraction et le ramènent à ce qu’il est : un enjeu de loyauté vis-à-vis du consommateur, de vérité vis-à-vis du climat.
Au-delà des sanctions, c’est une ligne rouge juridique qui se dessine : on ne peut plus « capitaliser » sur l’urgence écologique pour verdir son image sans changer de cap industriel. Les magistrats ont reconnu que la sensibilité croissante du public aux questions climatiques avait été utilisée comme levier marketing, au détriment d’une information honnête. En d’autres termes, l’écologie ne peut pas être un décor — elle doit être le scénario. Et si le scénario ne change pas, le décor ne fera plus illusion.
Ce verdict rétablit aussi une forme d’équité concurrentielle. Les acteurs réellement engagés dans la transition, souvent moins bruyants et moins puissants, payent cher la confusion entretenue par les géants fossiles : budgets publicitaires écrasants, messages dilués, et un consommateur qui finit par ne plus distinguer le virage sincère de la pirouette sémantique. En sanctionnant la tromperie, la justice remet à plat le terrain de jeu. Elle protège non seulement le public, mais aussi ceux qui investissent réellement, et parfois douloureusement, dans la décarbonation.
Évidemment, l’arrêt ne transforme pas du jour au lendemain la matrice énergétique de l’un des mastodontes du secteur. Il ne ferme pas de puits, n’ouvre pas de fermes solaires supplémentaires. Mais il change la règle du message, et donc la grammaire du pouvoir. Car pour la première fois, une juridiction qualifie ce que beaucoup documentent depuis des années : la « promesse 2050 » ne vaut pas quitus quand, ici et maintenant, la courbe fossile grimpe. Cette clarification a un effet boomerang : elle expose. Elle oblige. Et elle inspire.
Pour les ONG, c’est la confirmation que la voie judiciaire peut percer les boucliers de communication. Leur stratégie, patiente et documentée, démontre qu’un dossier solide et une cible précise peuvent créer du droit là où l’inaction politique s’éternise. « On ne peut plus se cacher derrière un discours vert pour masquer des activités climaticides », résume en substance Les Amis de la Terre. Greenpeace parle, à juste titre, de vérité rétablie. La formule n’est pas de trop : la vérité factuelle, ici, redevient une norme, pas un élément de langage.
Reste le lendemain du verdict. S’il fait jurisprudence, d’autres plaintes pourraient s’y arrimer, en France et ailleurs. Les départements marketing des majors vont devoir resserrer la vis : chaque slogan, chaque promesse, chaque visuel sera lu à l’aune de ce jugement. Les investisseurs, eux, ne pourront pas éternellement applaudir des « trajectoires net-zéro » qui n’existent qu’en PowerPoint. Et les autorités auront à clarifier les garde-fous : l’allégation environnementale n’est pas une fantaisie créative, c’est un engagement vérifiable.
Le 23 octobre 2025 restera peut-être comme le jour où l’on a cessé de confondre vernis et virage. Ce n’est pas la victoire d’un camp contre un autre, c’est un rappel à la réalité : la transition énergétique n’est pas une campagne, c’est une conversion. En condamnant le mensonge, la justice n’humilie pas ; elle oriente. Elle ne règle pas tout ; elle trace un cap. Enfin, la justice ose — et c’est déjà beaucoup.
Ce que la justice a tranché, c’est l’inadéquation criante entre un storytelling vert et un modèle économique resté, lui, très noir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 97 % des revenus du groupe proviennent encore des énergies fossiles, tandis que les investissements dans le solaire et l’éolien — environ 26 GW de capacités —, certes réels, demeurent périphériques par rapport à l’ampleur des projets pétroliers et gaziers. Cette dissonance n’est pas un détail technique ; elle constitue le cœur du greenwashing : revendiquer la transition sans renoncer à l’expansion fossile.
Le jugement ne se contente pas de qualifier ; il contraint. TotalEnergies devra retirer les mentions trompeuses de son site internet sous peine d’une astreinte journalière pouvant atteindre 10 000 euros. Le groupe est également sommé de publier la décision sur sa page d’accueil pendant six mois et de verser des indemnités — de l’ordre de plusieurs milliers d’euros chacune — aux associations plaignantes. Ce sont des mesures concrètes, publiques, qui ôtent au débat son abstraction et le ramènent à ce qu’il est : un enjeu de loyauté vis-à-vis du consommateur, de vérité vis-à-vis du climat.
Au-delà des sanctions, c’est une ligne rouge juridique qui se dessine : on ne peut plus « capitaliser » sur l’urgence écologique pour verdir son image sans changer de cap industriel. Les magistrats ont reconnu que la sensibilité croissante du public aux questions climatiques avait été utilisée comme levier marketing, au détriment d’une information honnête. En d’autres termes, l’écologie ne peut pas être un décor — elle doit être le scénario. Et si le scénario ne change pas, le décor ne fera plus illusion.
Ce verdict rétablit aussi une forme d’équité concurrentielle. Les acteurs réellement engagés dans la transition, souvent moins bruyants et moins puissants, payent cher la confusion entretenue par les géants fossiles : budgets publicitaires écrasants, messages dilués, et un consommateur qui finit par ne plus distinguer le virage sincère de la pirouette sémantique. En sanctionnant la tromperie, la justice remet à plat le terrain de jeu. Elle protège non seulement le public, mais aussi ceux qui investissent réellement, et parfois douloureusement, dans la décarbonation.
Évidemment, l’arrêt ne transforme pas du jour au lendemain la matrice énergétique de l’un des mastodontes du secteur. Il ne ferme pas de puits, n’ouvre pas de fermes solaires supplémentaires. Mais il change la règle du message, et donc la grammaire du pouvoir. Car pour la première fois, une juridiction qualifie ce que beaucoup documentent depuis des années : la « promesse 2050 » ne vaut pas quitus quand, ici et maintenant, la courbe fossile grimpe. Cette clarification a un effet boomerang : elle expose. Elle oblige. Et elle inspire.
Pour les ONG, c’est la confirmation que la voie judiciaire peut percer les boucliers de communication. Leur stratégie, patiente et documentée, démontre qu’un dossier solide et une cible précise peuvent créer du droit là où l’inaction politique s’éternise. « On ne peut plus se cacher derrière un discours vert pour masquer des activités climaticides », résume en substance Les Amis de la Terre. Greenpeace parle, à juste titre, de vérité rétablie. La formule n’est pas de trop : la vérité factuelle, ici, redevient une norme, pas un élément de langage.
Reste le lendemain du verdict. S’il fait jurisprudence, d’autres plaintes pourraient s’y arrimer, en France et ailleurs. Les départements marketing des majors vont devoir resserrer la vis : chaque slogan, chaque promesse, chaque visuel sera lu à l’aune de ce jugement. Les investisseurs, eux, ne pourront pas éternellement applaudir des « trajectoires net-zéro » qui n’existent qu’en PowerPoint. Et les autorités auront à clarifier les garde-fous : l’allégation environnementale n’est pas une fantaisie créative, c’est un engagement vérifiable.
Le 23 octobre 2025 restera peut-être comme le jour où l’on a cessé de confondre vernis et virage. Ce n’est pas la victoire d’un camp contre un autre, c’est un rappel à la réalité : la transition énergétique n’est pas une campagne, c’est une conversion. En condamnant le mensonge, la justice n’humilie pas ; elle oriente. Elle ne règle pas tout ; elle trace un cap. Enfin, la justice ose — et c’est déjà beaucoup.